Action et Interaction

Présentation résumée de l’Axe
L’axe « Actions et Interactions » s’attache à l’étude et la compréhension de la dynamique des couplages acteurs/environnements. Ces couplages sont investigués à partir d’approches scientifiques singulières (biomécanique, neurosciences comportementales, psychologie sociale, anthropologie énactive), mais aussi à partir de méthodes mixtes de recherche articulant des approches scientifiques, méthodes et données hétérogènes. Dans les différents terrains d’étude (l’éducation, l’entrainement, la performance, l’expertise, la santé) les chercheurs recueillent et analysent des données en première personne (données d’expérience) ; des données en troisième personne (données comportementales et motivationnelles), et articulent parfois ces données hétérogènes. Les objets d’étude en cours dans cet axe sont :
- L’activité d’exploration en escalade en situation d’apprentissage et de performance
- Les réseaux d’interaction en sports collectifs et l’influence du type de pédagogie et du leadership sur les coordinations interpersonnelles
- L’optimisation des coordinations perceptivo-motrices en natation et en escalade
La perception des affordances dans la locomotion en cyclisme et trottinette électrique
Présentation détaillée de l'axe
L’identité de l’axe « Actions et Interactions » repose entre autres sur l’étude et la compréhension de la dynamique des couplages acteurs/environnements au prisme de disciplines scientifiques plurielles et d’une approche mixte de recherche. Une présentation synthétique de ces différentes disciplines précise et illustre les différentes façons d’investiguer ce couplage.
L’approche biomécanique
Appliquée aux activités physiques et sportives, la biomécanique permet d’examiner les forces intérieures et extérieures agissant sur un corps humain et les effets produits par celles-ci. Ainsi en appliquant les lois physiques au mouvement humain, il est donc possible de comprendre l’action des muscles sur les différents segments du corps, et les forces qu’il génère. Le but étant de pouvoir mesurer, évaluer, analyser afin de pouvoir optimiser, maximiser la performance d’un geste ou d’adapter le matériel utilisé. Nous étudions par exemple la coordination des nageurs/paranageurs à l’aide de capteurs de mouvements miniatures et portables (comme des centrales inertielles) qui procurent automatiquement et rapidement les points clés du cycle de nage. Ainsi il est possible d’évaluer la cinématique dans chaque nage et en fonction des contraintes ou du type d’handicap pour apporter des modifications sur le geste.
En neurosciences comportementales, la dynamique écologique s’intéresse au contrôle, à l’acquisition et à l’optimisation des habiletés perceptivo-motrices tant sur le plan individuel que collectif, en considérant les interactions de l’individu et de l’environnement comme un système complexe adaptatif que l’on peut étudier par des variables éco-physiques. Dans cette approche, il est postulé que la perception est directe, c’est-à-dire non médiée par des représentations mentales et le recours à des connaissances préalables à l’action, mais au contraire que les individus perçoivent des opportunités d’action offertes par l’environnement et relative à leurs capacités d’action, appelées affordances. Nous étudions par exemple (1) comment les nageurs perçoivent l’environnement aquatique et leurs adversaires directs pour gérer leur course, (2) comment les grimpeurs perçoivent la voie à grimper sous forme d’enchainement d’actions qu’ils parviennent plus ou moins à prévisualiser, (3) comment les cyclistes perçoivent la possibilité de franchir ou d’esquiver un obstacle, (4) comment des joueurs de sport collectif perçoivent les possibilités de tirer, passer le ballon, occuper des espaces libres, soutenir le porteur de balle. Toujours dans une approche complexe, et en référence au modèle de Newell (1986), la question des effets des contraintes de l’organisme sur la performance, à travers une composante psychophysiologique (le stress) est abordée. Il s’agit, via le neurobiofeedback, d’apprendre à détecter des informations, cette fois intéroceptives, et à réguler le niveau d’activité nerveuse dans sans pour autant passer par des étapes représentationnelles en tant que telles.
L’approche de la psychologie sociale
Appliquée aux activités physiques et sportives, la psychologie sociale se propose de décrire et d’expliquer les comportements sociaux humains. Elle s’intéresse à la façon dont les pensées, les sentiments et les comportements des acteurs des milieux sportifs (e.g., joueurs, entraîneurs…) et éducatifs (e.g., élèves, enseignants) sont influencés par la présence réelle ou imaginée des autres. A ce titre, sont étudiés actuellement (1) les effets de la qualité de la relation entraîneur-entraîné et des perceptions du climat motivationnel sur le développement de l’identité sociale en sports collectifs, (2) les émotions et leur gestion d’un point de vue individuel et collectif en sport, et (3) les antécédents, les conséquences et les programmes de développement de l’intelligence émotionnelle en sport et en milieu éducatif.
L’approche anthropologique énactive
L’approche anthropologique énactive est celle inscrite dans le programme de recherche anthropologique et technologique du Cours d’Action. Ce programme vise à caractériser et comprendre l’activité humaine « en train de se faire », en accordant le primat au point de vue l’acteur. Pour se faire, deux types de données sont recueillies : des données d’enregistrement audio-visuelles de l’activité in situ, et des données de verbalisation issues d’entretien d’autoconfrontation. Sur cette base, l’expérience des acteurs est reconstruite selon une méthodologie structurée par les hypothèses fondatrices du programme de recherche. Dans ce cadre et à titre d’illustration, des travaux sur le terrain de l’expertise en sport ont permis de caractériser (1) le rôle de la matérialité comme clé de l’expertise et (2) l’activité exploratoire en escalade dans des contextes variés d’apprentissage. Sur le terrain de l’enseignement de l’EPS, des recherches ont par exemple (1) spécifié le rôle de médiateurs des objets dans l’activité collective des leçons, (2) identifié les préoccupations typiques d’élèves dans le rôle social d’arbitre ou (3) caractérisé l’approche énactive de l’enseignement-apprentissage en EPS.
L’approche mixte de recherche Dans l’axe 1, l’approche mixte de recherche est pour l’instant circonscrite à l’articulation entre l’approche écologique dynamique et celle du Cours d’action. Sont donc articulés des données comportementales (par exemple visuelles et motrices) et des données phénoménologiques (des intentions, actions et perceptions d’acteurs pour traduire leurs expériences). Les recherche en cours ont une double visée. La visée épistémologique questionne les conditions minimales pour articuler des approches, outils, méthodes ou données hétérogènes. Ainsi de récents travaux ont défendu la nécessité d’un degré minimal de convergence paradigmatique entre les hypothèses fondatrices de l’approche écologique dynamique et celle du Cours d’Action, pour les articuler. La visée épistémique vise le renseignement holistique de l’activité humaine à savoir prendre en compte ce qui est observables « du dehors » et renseignable « du dedans ». De récents résultats ont permis de mettre en avant des convergences et divergences entre des données quantitatives (puissance de traction en newton en natation ; scores de fluidité en escalade) et des données d’expérience (les intentions, actions et perceptions de nageurs élites en situation d’évaluation de leur performance ou de grimpeurs en escalade de difficulté ou de blocs).
Responsabilités
Responsable : Pr. L. Seifert
Co-responsable : David Adé
Projets en cours
Exploration et Expertise : Une méthode mixte de recherche (2E2MR) ; ANR-24-CE38-3598, durée 36 mois (1/10/2024 au 30/09/2027), coordinateur : Pr D. Adé, 470K€ ; (photos jointes).
Résumé : De nature interdisciplinaire (sciences du numérique et des données, psychologie expérimentale, sciences cognitives), cette recherche cible l’analyse holistique de l’activité exploratoire en tant que clés de l’expertise dans la performance sportive. L’activité exploratoire est analysée en escalade 1) en situation de compétitions internationales (où les grimpeurs ont la possibilité de prévisualiser la voie avant de grimper), et 2) en contexte expérimental, afin de comparer l’activité exploratoire avant et pendant la grimpe selon qu’on autorise ou pas la prévisualisation de la voie. En articulant des données objectives (données visuelles et motrices obtenues par un eye tracker et par un tracking vidéo 3D de l’athlète en relation avec un mapping 3D de l’environnement) et des données subjectives (données phénoménologiques à partir d’entretien d’auto-confrontation) cette recherche ambitionne de classifier différentes modalités d’exploration sous forme de clusters.
Dynamique des coordinations d’équipe (DYNATEAM) ; ANR-23-CE38-0008 ; durée 36 mois (1/10/2023 au 30/09/2026), coordinateur : Pr L. Seifert, 507K€ ; (photos jointes).
Résumé : Projet inter-disciplinaire articulant les sciences du numérique et les sciences cognitives, en partageant le paradigme de la complexité. Selon les sciences de la complexité, une équipe est vue comme un système complexe dynamique caractérisé par les principes d’émergence et d’auto-organisation, c’est-à-dire sans intervention d’un régulateur externe. Cependant dans les sports d’équipe, l’entraîneur régule souvent les joueurs par des instructions verbales ou utilise des leaders pour relayer ses instructions. Aussi, notre projet est innovant car les objectifs en sciences cognitives visent à étudier l’intérêt d’une pédagogie non-linéaire favorisant les principes d’émergence et d’auto-organisation dans les interactions sociales en rugby et basketball, en comparaison à une pédagogie prescriptive et explicite de l’entraîneur, ou relayée par un leader.
De plus, la complexité d’un réseau social est souvent associée au nombre de personnes qui le constituent. Cependant dans les sports d’équipe, le nombre de joueurs est limité et la complexité provient plutôt du caractère dynamique, temporaire de ces interactions qui déterminent la performance de l’équipe. Or souvent les interactions sociales sont modélisées par l’analyse des réseaux d’interaction sous forme de graphes statiques. Nos objectifs en sciences numériques sont innovants car ils incluent les dimensions temporelle et spatiale, 1) en étudiant la dynamique des interactions sociales par des graphes dynamiques des réseaux de passe, 2) en découpant l’aire de jeu en zones pour prendre en compte la configuration spatiale de l’équipe dans les réseaux d’interaction, 3) en utilisant des techniques de machine learning pour prédire les interactions sociales et la prise de décision des joueurs en fonction des contraintes appliquées sur le réseau.
Natation et Paranatation : Tous Unis pour Nos Elites (NePTUNE) : ANR-19-STHP-0004, durée 60 mois (15/01/2020 au 30/06/2025), coordinateur : Pr L. Seifert, 2 Millions d’€, (https://sites.google.com/view/anrneptune-fr/on-parle-de-nous/vidéos?authuser=0)
Résumé : Le projet NePTUNE regroupe 13 partenaires dont deux fédérations sportives (FFN et FFH) et poursuit trois axes en accord avec le 5ème défi (Apprentissage et Optimisation de la performance), le 7ème défi (Big Data et Intelligence Artificielle au service de la performance) et le 9ème défi (Spécificité du Paralympique) de l'appel à projet ANR: "Sport de Très Haute Performance".
Un premier axe concerne le suivi automatique et les stratégies de gestion de course des nageurs français en compétition et lors de simulation de course à l'entrainement. Le travail réalisé permet le suivi semi-automatique de tous les nageurs en compétition à partir de 1 à 2 caméras filmant en vue aérienne afin de déterminer les temps de passage tel que réalisé manuellement par la FFN avec le système Espadon. L’équipement de la piscine de l’INSEP avec le système multi-caméra (aérienne et sous-marine) et le logiciel de suivi AIM permet d’analyser de façon plus fine la technique de nage. Sur la base du système multi-caméra, un algorithme de suivi du nageur plus avancé a été développé pour analyser plus spécifiquement le départ (partie aérienne et sous-marine) et les virages en plus des parties nagées. L’analyse des compétitions permet d’identifier différents profils de gestion de course et ainsi d’analyser la concurrence.
Un second axe s'intéresse à l'évolution des coordinations motrices, des paramètres d’efficacité de la propulsion et la partie sous-marine d’une longueur en fonction de la vitesse de nage et de la fréquence gestuelle. Le travail réalisé permet d’établir une carte d’identité du nageur en identifiant deux régimes de fonctionnement en crawl grâce à l’utilisation de capteurs de mouvements miniatures et portables (comme des centrales inertielles) qui procurent automatiquement et rapidement les points clés du cycle de nage. L’analyse de l'effet de la modulation de la fréquence gestuelle autour de la fréquence préférentielle et ses conséquences biomécaniques et énergétiques est maintenant réalisée. L'analyse biomécanique de la coordination motrice et de l'asymétrie de coordination à partir de capteurs de mouvements a été automatisée dans les 4 nages, et l'effet de la respiration, de la vitesse de nage, de la fréquence gestuelle et du handicap ont été analysés.
Le troisième axe se focalise sur les résistances aquatiques et l'effet d'aspiration car la haute performance et l'économie de sont pas seulement due à une propulsion efficace mais aussi à la minimisation des résistances passives et actives. L’analyse a été étendue à l’étude du profil force-vitesse.
Pour chacun de ces axes, le projet développe des méthodes et outils innovants, avec une version facile et rapide d'usage pour l'intervention et le suivi des nageurs par les entraineurs, et une version plus avancée pour des mesures et recherches scientifiques plus élaborées sur le mouvement, l'énergétique humaine et l'optimisation de la performance.